Madame la Ministre, Olivia,

Mesdames, Messieurs les Présidents, chers collègues,

Mesdames, Messieurs les Secrétaires généraux,

Mesdames, Messieurs les Présidents d’organisations professionnelles,

 

Je crois pouvoir vous dire Madame la Ministre que ce jour est historique.

Les Assemblées Générales sont un temps particulièrement fort de la vie de notre réseau mais là il est particulier et à marquer d’une croix sur le calendrier.

C’est la première fois de son histoire que le réseau des CMA doit faire face à une telle situation. Je vous le dis avec sérieux et gravité : le réseau des CMA va devoir licencier, fermer des antennes, dégrader les services aux entreprises artisanales ainsi qu’arrêter certaines formations trop couteuses.

Cela, Madame la Ministre, au moment où les entreprises artisanales ont le plus besoin de nous ! C’est le résultat des décisions que vous, et quand je dis vous je pense à l’Etat dans son ensemble, avez prise et qu’il vous faudra assumer.

Vous avez aujourd’hui devant vous rassemblés des femmes et des hommes, des Présidentes et des Présidents, qui sont le visage de l’Artisanat en France. Ils représentent tous les territoires, tous les secteurs d’activités.

Ils sont des élus responsables et engagés qui se battent au quotidien pour la sauvegarde et la réussite de notre secteur. Leur seul objectif est de se mettre au service de l’Artisanat et des Artisans pour faire réussir l’économie dans tous les territoires.

Jusqu’à maintenant, à entendre les compliments adressés à notre secteur, nous pensions que l’artisanat était un vrai atout pour la relance de notre économie et pour l’emploi par la formation.

Mais Madame la Ministre, aujourd’hui, je voudrais plus particulièrement m’adresser à l’Etat que vous représentez et qui est notre tutelle. Je crois que votre vision de la situation n’est pas la bonne.

Je vous le dis car le contexte est particulièrement exigeant, je dirai même angoissant. Cela nous impose de tout mettre en œuvre pour assurer la survie des entreprises artisanales. C’est de notre responsabilité. Pour cela, il me semble important d’avoir la vision la plus juste possible de la situation.

 

A vous, comme à vos prédécesseurs, nous avons toujours dit que nous voulions une relation de confiance et nouer un dialogue constructif et permanent. Nous voulions aussi rester un acteur de premier plan, un partenaire respectueux mais respecté, un partenaire efficace mais exigeant.

Car le réseau des CMA ce sont des élus – et cela doit rester ainsi – qui labourent le terrain, qui sont au plus près des problématiques de nos collègues Artisans pour leur apporter des solutions et des réponses.

2022 n’a épargné personne et surtout pas nos entreprises. Nous le constatons chaque jour. Des tensions de plus en plus fortes pèsent sur leur activité : la flambée des prix de l’énergie et des matières premières, la pénurie de main-d’œuvre, les difficultés de trésorerie. Il faut être lucide, les difficultés sont à venir.

Le premier mot qui vient à la bouche de nos collègues artisans n’est plus simplement l’inquiétude mais l’angoisse et l’incompréhension. Et pourtant ils ne baissent pas les bras. Madame la Ministre, je vais être plus direct : certaines entreprises artisanales sont au bord de l’agonie.

La question de la trésorerie n’est plus un sujet de préoccupation, il est une source d’insomnie ! Le véritable enjeu aujourd’hui est celui de la rentabilité. Si nos entreprises ont du travail, les marges se réduisent dangereusement. Et c’est là que le rôle des organisations professionnelles et des chambres de métiers est fondamental pour faire face à la difficulté de mesurer leurs marges. Aussi, en ayant la volonté de limiter l’augmentation des prix pour le consommateur, certaines entreprises vont se rendre compte qu’elles travaillent à perte quand il sera déjà trop tard.

C’est le cas notamment pour les secteurs fortement consommateur d’énergie, sans un dispositif plus protecteur, au maillage plus fin, nous craignons que certains métiers disparaissent tout simplement de nos villes comme de nos villages.

Le Ministre Bruno Le Maire avait demandé aux corps intermédiaires, dont les CMA, de ne laisser personne au bord de la route. Nous nous y employons chaque jour. C’est le sens de cette alerte, écoutez-nous !

Ce travail d’acteur de proximité du réseau est reconnu par les élus locaux, par les parlementaires mais aussi par le Président la République lui-même. Enfin c’est ce que nous pensions jusqu’à présent.

Si vous dites bien connaitre notre réseau – et vous avez d’ailleurs participé à sa transformation avec la loi Pacte et en travaillant sur la régionalisation des CMA, la suppression du SPI, la suppression des CFE et la mise en place du guichet unique – l’Etat comprend-il la réalité de nos entreprises et ce que fait le réseau des CMA pour elles ?

Si on prend l’exemple de la suppression des CFE et la mise en place du guichet des Formalités au 1er janvier 2023, nous ne sommes pas d’accord. Bien sûr, nous ne sommes pas opposés à la « simplification » comme nous ne sommes pas non plus opposés à la dématérialisation. Pour autant, les premiers retours des utilisateurs nous font dire que cela ne fonctionne pas. Ce n’est pas faute de vous avoir alertés, de vous avoir fait des propositions mais vous avez décidé de ne pas en tenir compte. Nous appliquons alors vos décisions.

La réforme vécue par le réseau est loin d’être évidente. Pouvez-vous me citer un seul autre réseau qui se sera à ce point transformé en moins de 24 mois ? Non car il n’y en a aucun autre.

La régionalisation voulue par le gouvernement est aujourd’hui une réalité. Malgré la période de crise liée au covid, nous avons été à la hauteur de ce défi. Délai tenu !

Il nous semblait que les crises avaient démontré une nouvelle fois le rôle du réseau des CMA à vos côtés et aux côtés de l’Etat sur tous les territoires. Nous avons été l’interlocuteur de 1er Niveau, l’acteur du dernier kilomètre et du dernier mètre.

Comparé à d’autres, avec d’un côté moins de moyens et de l’autre des entreprises qui ont plus de besoins, on remplit nos objectifs.

Alors Madame la Ministre, comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire et de vous le redire, nous sommes dans une situation où nous ne savons plus faire.

Nous – le réseau des CMA : ses élus, comme ses 11 000 collaborateurs – ne sommes plus inquiets. Nous sommes désabusés. Nous avions un programme de mandature dans lequel nous parlions de performance pour maintenir la qualité de notre accompagnement, pour créer des services innovants et performants et pour renforcer notre offre de formation. Mais tout ça, c’était avant.

Derrière ce programme, derrière cette ambition, il y a une volonté farouche. Celle d’emmener avec nous toutes nos entreprises artisanales mais cela ne peut se faire qu’avec l’appui des politiques publiques adaptées et des moyens financiers adéquats. Et malheureusement aujourd’hui nous ne disposons ni de l’un ni de l’autre.

Bercy, la Direction générale des entreprises pense que l’on pourrait faire plus ou pareil, avec moins. Elle vous indique des « marges de manœuvre » possibles. Je vais être honnête avec vous Madame la Ministre, nous ne voyons pas ces marges de manœuvre. Sans doute parce que nous ne faisons pas nos analyses avec des feuilles de calcul et des tableaux Excel. Nous regardons la réalité en face, la vraie, celle que l’on voit sur le terrain tous les jours.

Tout d’abord, les CMA n’échappent pas à la flambée du coût de l’énergie, à date plus de 17 millions d’euros évalués pour 2023.  Ensuite, vient la revalorisation du point d’indice des agents du réseau, plus de 18 millions d’euros pour 2023. A tout cela s’ajoute bien sur la baisse de 15 millions d’euros de la part de taxe prévue dans le PLF 2023. Franchement, je ne sais pas si on peut parler de coup de rabot, ou d’amputation…

La facture pour 2023 ne s’élève pas à 15 millions mais au total à 50 millions d’euros que nous devons trouver pour la seule année 2023 !

Je vais vous le dire très clairement, si dans les tableaux Excel ça passe, dans la réalité, dans le concret, ça ne passe pas ! C’est même une erreur grave. C’est une faute politique que vous commettez à notre égard et à l’égard des TPE artisanales.

Je vous le dis avec sérieux et gravité. Avec cette décision, vous allez dégrader le service aux entreprises alors qu’elles souffrent de la crise économique, qu’elles ont plus que jamais besoin d’un accompagnement de qualité sur l’ensemble du territoire et que les CMA assurent des missions de service public pour l’Etat.

Vous actez un désengagement territorial du réseau des CMA et ce n’est pas tout. Grâce à la magie des tableaux Excel, la baisse de taxe s’inscrirait dans une trajectoire beaucoup plus large avec 60 millions de baisse d’ici la fin 2027. Je crains Madame la Ministre qu’un bug ne se soit glissé dans la calculatrice.

Là où vous raisonnez macro nous raisonnons proximité. Si, avec la régionalisation, des CMA sont devenues plus fortes. Certaines traversent malgré tous des difficultés.

Tous ces sujets Madame la Ministre, toutes ces réalités sont prises en compte dans le cadre du dialogue de la taxe. C’est la raison pour laquelle cette répartition ne se fait pas uniquement sur le nombre d’assujettis. Nous en sommes bien loin. Nous sommes maintenant dans une logique de solidarité au sein du réseau pour rendre la même qualité de service quelle que soit la situation dans les territoires.

Si nous sommes tous conscients de la nécessité de participer à l’effort national, il doit être proportionné et soutenable et ce n’est pas le cas !

Cette préoccupation Madame la Ministre, je la porte depuis un certain temps déjà et je vous en ai parlé à plusieurs reprises. J’ai même eu l’occasion de le dire au Ministre Bruno Le Maire lors de sa venue au salon MIF EXPO. Depuis, nous n’avons aucune nouvelle ou seulement à travers les débats parlementaires.

Clairement, Madame la Ministre, Olivia, pour la 1ère fois le réseau des CMA ne saura pas faire… Et vous pouvez déjà constater que nous ne serons pas au rendez-vous du COP.

Je vais vous dire ce qui va se passer dès janvier 2023. Nous allons commencer l’année avec des licenciements, des fermetures d’antennes ainsi que des formations qui vont être abandonnées. Nous allons dégrader le service aux entreprises dans les territoires. Et nous ne sommes qu’à la 1ère année de cette trajectoire baissière que vous avez annoncée…

Madame la Ministre, avant même de vous entendre, je connais votre réponse sur la taxe. Vous allez sans doute nous dire que pour les années à venir : « on verra », « on en reparlera… »

Madame la Ministre, les promesses sont faites pour ceux qui les écoutent. Nous concernant, c’est là, maintenant, tout de suite que nous avons besoin du maintien de nos ressources pour garantir le service en proximité.

Vous qui connaissez bien le secteur de l’artisanat, j’espère Madame la Ministre que dans quelques instants, vous n’allez pas faire preuve de la même méconnaissance que votre collègue des comptes publics lorsqu’il a justifié au Sénat les avis défavorables du gouvernement sur nos amendements.

Concernant la régionalisation du réseau, sa réorganisation serait source d’économie, ce sera vrai mais à la fin de ce mandat. Aujourd’hui on a mutualisé le back office pour renforcer la proximité. C’est plus de performance au service de l’artisanat.

Que dire du transfert des CFA aux branches, je dois vous dire que nous avons été nombreux à manquer de nous étouffer….

Je me dois de vous alerter sur l’état d’esprit qui est le nôtre aujourd’hui. Nous avions établi un contrat de confiance avec l’Etat. Je vous le dis avec gravité : ce contrat de confiance est proche de la rupture.

Avant de vous laisser la parole, j’aimerais aussi vous dire que d’une certaine façon, nous n’attendons plus la réponse du gouvernement.

Madame la Ministre, nous ne comprenons pas les raisons qui dictent ce choix. On risque de casser ce qui fonctionne alors que ce service précieux à nos entreprises, ce sont elles mêmes qui le financent.

Madame la Ministre, je parle de 60 millions d’euros. Ce n’est pas un trait de plume ou l’épaisseur du trait de crayon. C’est un monde pour nous.

A moins, qu’il ne faille comprendre que le choix politique du gouvernement est de demander à notre réseau de ne plus faire les mêmes choses. Ou, en tout cas, pas aussi bien. Dans ce cas, il faut nous le dire très clairement. Demain, il faudra assumer les conséquences de cette décision et il vous faudra l’expliquer à nos collègues artisans.

Je vous remercie de votre attention et vous laisse la parole.